Le carnaval béarnais
Le carnaval béarnais est l’expression de l’identité béarnaise. Fidèle aux traditions, le bon vin y coule à flots, les produits du terroir sont béarnais et bien sûr, on chante en langue béarnaise. Le carnaval, au-delà d’un moment festif, est avant tout une résurgence de la culture béarnaise. Fondé sur des légendes, des rites, des coutumes, il ne cesse de s’enrichir de personnages contemporains et d’idées modernes.
Histoire du carnaval
Le carnaval est la dernière période avant le carême. Après lui, vient le moment d’abstinence et de jeûne. Aussi, le carnaval, étymologiquement « enlever la chair, la viande » (carnis levare), est le moment propice à tous les excès avant les restrictions d’usage. Fête païenne, elle n’en est pas pour autant détachée de la religion. Sans la tradition catholique du carême, pas de carnaval. Pour se laisser aller à tous les plaisirs, les hommes et femmes se masquent : déguisés, ils peuvent tout se permettre sans possibilité d’être identifiés. Le mot d’ordre : folie ! On se déguise, on se masque, on fait le pitre, on fait rire, on est dans l’excès de la déraison, des non-règles, de l’assouvissement des désirs, le renversement des hiérarchies sociales. Carnaval, c’est la liberté totale de l’esprit et du corps.
Le carnaval béarnais symbolise le retour d’exil de Sa Majesté Sent Pançard et de sa cour. Sent Pançard est un personnage imaginaire symbolisant l’outrance, les vices, le Mal. Caricaturé à l’extrême, le bonhomme bedonnant au collier de saucisses doit répondre des maux du peuple. Pendant plusieurs jours, un procès (célébré en occitan) condamne Sent Pançard pour tous les troubles pouvant exister. Après le jugement, il est exécuté.
Un carnaval organisé
Le carnaval est une fête très organisée. Chacun joue un rôle d’importance. D’un côté, les Blancs (ou Beaux), de l’autre les Noirs (ou Laids), et évidemment le Roi et sa Cour. Le Roi, Sent Pançard, représente Carnaval. Il est le personnage clé de la cérémonie et est brûlé vif à la fin du carnaval. On peut accoler des papiers sur le bonhomme décrivant quelques soucis personnels. Dans le bûcher, les problèmes disparaissent symboliquement. A la Cour du roi, on compte sa femme (Charogne), des bouffons, l’Ours et quelques bergers. L’Ours est le symbole par excellence du Béarn. Le Carnaval Biarnès débute généralement le 2 février, jour de la fête de l’ours. Il symbolise l’arrivée prochaine du printemps par la fin de son hivernation.
Les Blancs et les Noirs sont le pendant l’un de l’autre, le bien et le mal. Parmi eux, des porte-cloche, des porte-drapeau, des Arlequins, des pasteurs, un homme-chat, des bohémiens, des chiffonniers, des sorcières, etc. Chacun d’entre eux a une symbolique particulière, un rôle déterminé et un costume adapté. Prenons l’exemple de la Cantinière, appartenant au clan des Blancs, femme autoritaire aux formes très généreuses. Maîtresse de Sent Pançard, elle est vêtue d’une jupe rouge et d’une veste bleue. Ses tablier et corsage sont blancs, elle porte un chapeau et agite un petit mouchoir pendant ses danses, tout en maintenant un mini tonneau sous son bras. Ennemie de Charogne, elle incarne la femme libérée. Attention, pendant le carnaval, les femmes sont déguisés en homme et les hommes en femme. C’est donc un homme qui interprète le rôle de la Cantinière.
Certains personnages appartiennent au panthéon pyrénéen, comme les Géants et les Grosses Têtes. Ils sont les dieux et demi-dieux de la mythologie pyrénéenne. Ils défilent ensemble pendant le carnaval biarnés. Les Grosses Têtes agissent au quotidien dans nos maisons. C’est par exemple la faute de « Òs en cama » (Os en jambe) si nous perdons nos clés, nos lunettes ou nos papiers.
Pour en savoir plus sur tous les personnages, consultez le site du Carnaval Biarnés : Personnages de la Pantalonada
Outre le déguisement, la musique est indispensable à tout bon carnaval. Des groupes béarnais se produisent mais chacun y va de sa participation. Tout est bon pour faire du bruit : sifflets, instruments improvisés, tambour, cloches, maracas, etc. Sans compter les confettis et autres serpentins assurant une ambiance survoltée à la capitale béarnaise.
Attention toutefois à ne pas marcher sur les cendres de Sent Pançard, le malin promet les mêmes soucis sur l’année à venir si par malheur quelqu’un récolte quelques cendres sous ses chaussures.
Une chanson du carnaval (et sa traduction)
Bohar
Desconar, hartar, peguejar,
Dançar, cantar, dinc a càder de fatiga
La gentilhessa, l’umor e la toleréncia
Las diferéncias
Vestí’s en hemna quan èm un òmi
Vestí’s en òmi quan èm ua hemna
Mascà’s e cambiar de votz
Denonciar l’injustícia, los mèstes deu monde
Har tentar los pisha-vinagre, los de qui cau
Desbotoà’s, arrebendí’s
Deishar har la soa fantesia
Souffler
Déconner, bouffer, faire le « pèc »
Danser et chanter jusqu’à épuisement
La gentillesse, l’humour et la tolérance
Les différences
S’habiller en femme si l’on est un homme
S’habiller en homme si l’on est une femme
Se masquer et changer de voix
Dénoncer l’injustice, les maîtres du monde
Faire râler les pisse vinaigre, les bien pensants
Se débrider, se rebeller
Laisser libre cours à sa fantaisie
Sources
- Laborde Jean-Baptiste, Le carnaval en Béarn, Cressé, Éditions des régionalismes, 2016.