Les chants béarnais

En Béarn, le chant est une seconde nature. Indissociable du repas de famille ou de la fête de village, tous les Béarnais connaissent ou fredonnent les chants le splus célèbres : Bèth Cèu de Pau ou Aqueres Mountanhès, par exemple. On chante entre amis, en famille, jamais seul. Selon Jean-Jacques Castèret, ethnomusicologue, cela s’explique par la caractéristique même de la civilisation béarnaise qui veut que les terres soient gérées de manière communautaire.

À Laruns, par exemple, le chant est primordial. Le groupe « Lous Arricouquets » est d’ailleurs un représentant de cette culture ossaloise à Paris. Là-bas, la communication se fait  en paroles mais aussi en chansons !

Le chant béarnais est une technique polyphonique connue depuis la fin du XVe siècle et il est chanté dans les églises depuis plus de 500 ans. Il est à la fois religieux et profane. Dès 1830, un récit de voyageurs étrangers décrit la manière dont les Béarnais chantent à plusieurs voix. Tout le monde peut participer spontanément au chant et se joindre à un groupe improvisé.

Le chant béarnais se pratique partout, sans contraintes, concert prévu ou chant improvisé à la buvette, il y aura toujours un Béarnais pour pousser la chansonnette et de nombreux autres pour donner la réplique. Preuve en est nos animations qui finissent toujours en chansons. Car le chant, c’est aussi la convivialité, il célèbre le plaisir d’être ensemble.

Il existe d’ailleurs de nombreux festivals en Béarn : Hestiv’ Oc, la fête ossaloise de Laruns, la fête des bergers d’Aramits, les Transmusicales de Laàs ou encore le carnaval Biarnès. Toutes les occasions sont bonnes pour chanter !

Le plus célèbre chant est « Bèth Cèu de Pau ». Il date de la fin du XIXe siècle, il fut écrit par Charles Darrichou, cordonnier à Bruxelles, en mal de son pays sur son lit d’hôpital. Il la chante pour la première fois en 1881 pour son retour en Béarn et les auditeurs sont bouleversés. Bien d’autres chants suivront, le vivier est immense. Aujourd’hui encore, de nombreuses créations voient le jour, toujours écrites en béarnais.

Un groupe en particulier déchaîne le passions, le seul à pouvoir encore remplir l’Olympia parisien, une fierté pour le Béarn. Ce groupe, c’est Nadau (Los de Nadau au départ). Il fut créé en 1973 et de nombreux autres groupes suivront son exemple. Une de leur chansons, qui date de 1978, est quasiment devenue un hymne : L’immortèla.
Écoutons-là : L’immortèla

Écoutons-là par Nadau :  L’imortèla

Les paroles (béarnais et français)

Sèi un país e ua flor,
E ua flor, e ua flor,
Que l’aperam la de l’amor,
La de l’amor, la de l’amor,

Refrain:
Haut, Peiròt, vam caminar, vam caminar,
De cap tà l’immortèla,
Haut, Peiròt, vam caminar, vam caminar,
Lo país vam cercar.

Au som deu malh, que i a ua lutz,
Que i a ua lutz, que i a ua lutz,
Qu’i cau guardar los uelhs dessús,
Los uelhs dessús, los uelhs dessús,

Que’ns cau traucar tot lo segàs,
Tot lo segàs, tot lo segàs,
Tà ns’arrapar, sonque las mans,
Sonque las mans, sonque las mans,

Lhèu veiram pas jamei la fin,
Jamei la fin, jamei la fin,
La libertat qu’ei lo camin,
Qu’ei lo camin, qu’ei lo camin,

Après lo malh, un aute malh,
Un aute malh, un aute malh,
Après la lutz, ua auta lutz,
Ua auta lutz, ua auta lutz…

Je connais un pays, et une fleur,
Et une fleur, et une fleur,
On l’appelle celle de l’amour,
Celle de l’amour, celle de l’amour,

Refrain:
Haut, Petit Pierre, on va marcher, on va marcher
Vers l’immortelle,
Haut, Petit Pierre, on va marcher, on va marcher,
On va chercher le pays.

En haut du pic, il y a une lumière,
Il y a une lumière, il y a une lumière,
Il faut y garder les yeux dessus,
Les yeux dessus, les yeux dessus,

Il faut traverser toutes les ronces,
Toutes les ronces, toutes les ronces,
Pour s’accrocher, seulement les mains,
Seulement les mains, seulement les mains,

Peut être on n’en verra jamais la fin,
Jamais la fin, jamais la fin,
La liberté, c’est le chemin,
C’est le chemin, c’est le chemin.

Après le pic, un autre pic,
Un autre pic, un autre pic,
Après la lumière, une autre lumière,
Une autre lumière, une autre lumière…

Le chant :

Les paroles (béarnais et français)

Devath de la (mia) finestro
Que i a un auséron
Tota la nouéyt que canta
Canta la soa (sa) canson

Refrain :
Si canti, you que canti
Canti pas per jo;
Canti per ma mia
Qui ei auprès de jo

Aqueras mountanhas
Qui tan hautas son
M’empaishan de véder
Mas amors on son

Bachatz-ve montanhas
Planas, hauçatz-ve
Ta qui posqui la veder
Mas amors on son

Aqueras montanhas
Que s’abaisharàn
E mas amoretas
Que pareisheràn

Aqueras mountanhas
Qui tan hautas son
M’émpaishan de véder
Mas amors on son

Si sabi las véder
Ou las rencontrar
Passeri l’ayguetto
Shens paur de’m negar

Aqueras montanhas
Que s’abaisharàn
E mas amouretas
Que pareischeràn

Las pomas son maduras
Las cau amassar
Et las joenes hilhas
Las cau maridar

Dessous ma fenêtre
Il y a un oiselet
Toute la nuit il chante
Il chante sa chanson

Refrain :
S’il chante, qu’il chante
Il ne chante pas pour moi
Il chante pour ma mie
Qui est si loin de moi

Ces montagnes
Qui sont si hautes
Elles m’empêchent de voir
Où sont mes amours

Baissez-vous montagnes
Plaines haussez-vous
Pour que je puisse voir
Où sont mes amours

Ces montagnes
Tant s’abaisseront
Que mes amours
apparaîtront

Ces montagnes
Qui sont si hautes
Elles m’empêchent de voir
Où sont mes amours

Si je sais les voir
Ou les rencontrer
Je traverserai le ruisseau
Sans peur de me noyer

Ces montagnes
S’abaisseront
Et mes amours
Apparaîtront

Les pommes sont mûres
Il faut les ramasser
Et les jeunes filles
Il faut les marier.

Écoutons le chant :    Beth Ceu de Pau

Les paroles (béarnais et français)

Quoan te tournarey bede ?
Qu’ey tant soufert despuch qui t’ey quitat.
Si-m cau mouri chens te tourna rebede
Adiu, bèth cèu, t’aurey pla regretat.
Qu’auri boulut, Bearn canta ta gloère
Mes nou pouts pas, car que souy trop malau
Moun Diu, moun Diu ! (bis)
Lechat me bede encoère (bis)
Lou cèu de Pau , lou cèu de Pau.(bis)

Gé, qu’èri soul dens ma triste crampete
A respira lou perfum deu printemps
Quoan tout d’u cop, ue praube irounglete,
Pousse u gran crit e puch en mème tems
U esparbè cour sus la beroujine
Say, say t’aci, jou nou t’harey pas mau !
Rentre dehens, que parleram praubine (bis)
Deu cèu de Pau deu cèu de Pau.(bis)

Qu’as tu pensat, la mie praube amigue
De biadja soule, chens nat secours ?
Repause drin, de courre que fatigue,
Aci, n’as pas à cranhe lous autours
Perque trembla ?
Ben n’es pas presounère
Que pods parti si n’ey pas ço qui-t cau
Repren toun bol, ben boultiga leugère (bis)
Au cèude Pau au cèu de Pau. (bis)

Mes, que t’en bas, beroje messadjère
Adiu, adiu ! Chens tu qu’em bau mouri.
Car lou boun Diu enta d’eth que m’apère
Douma, belheu nou serey mes aci.
Puchque t’en bas, ben- t-en ta la mountanhe
Ben ha toun niet debach nouste pourtau
Qu’auras de tout, ta tu e ta coumpanhe
Au cèu de Pau, au cèu de Pau (bis)

Quand te reverrai-je ?
J’ai tant souffert depuis que je t’ai quitté.
S’il me faut mourir sans te revoir
Adieu, beau ciel, je t’aurai bien regretté.
J’aurais voulu, Béarn chanter ta gloire
Mais je ne peux pas, car je suis trop malade
Mon Dieu, mon Dieu !
Laissez-moi voir encore (bis)
Le ciel de Pau, le ciel de Pau.(bis)

Hier, j’étais seul dans ma triste chambrette
A respirer le parfum du printemps
Quand tout à coup, une pauvre hirondelle
Pousse un grand cri, et puis en même temps
Un épervier fond sur la jolie petite
Viens, viens ici, je ne te ferai pas de mal !
Viens à l’intérieur, nous parlerons pauvrette (bis)
Du ciel de Pau, du ciel de Pau.(bis)

Qu’as-tu pensé, ma pauvre amie
De voyager seule, sans aucun secours ?
Repose-toi un peu, de courir fatigue,
Ici, tu n’as pas à craindre les autours
Pourquoi trembler ?
Allons, tu n’es pas prisonnière
Tu peux partir si je n’ai pas ce qu’il te faut.
Reprends ton vol, va voltiger légère (bis)
Au ciel de Pau, au ciel de Pau.(bis)

Mais, tu t’en vas, jolie messagère
Adieu, adieu ! Sans toi, je vais mourir.
Car le bon Dieu auprès de lui m’appelle
Demain, peut-être , je ne serais plus ici.
Puisque tu t’en vas, va- t-en dans la montagne,
Va faire ton nid, sous notre portail.
Tu auras de tout, pour toi et ta compagne (bis)
Au ciel de Pau, au ciel de Pau.(bis)

Écoutons le chant (par Audrey et Anaïs Carrere dit Coustié) : Aussau mas amoretas

Les paroles (béarnais et français)

Aussau mas amoretas
Aussau, jo me n’i vau.

Au verdurèr jou me n’entrèi (bis)
Tres arrosetas i trobèi.

Tres arrosetas i trobèi
Que las copèi que las liguèi.

Que las copèi que las liguèi
A mas amors enviar las hèi.

A mas amors enviar las hèi
Mes qui serà lo messatgèr ?

Mes qui serà lo messatgèr ?
La calandreta o l’esparvèr ?

La calandreta ei cap-leugèr
E l’esparvèr trôp mensongèr.

E l’esparvèr trôp mensongèr
Jo medisheta m’i anirè.

Ossau, mes amourettes
Ossau, moi j’y vais.

Au verger, moi j’entrai
Trois petites roses j’y trouvai.

Trois petites roses j’y trouvai
Je les coupai, je les liai.

Je les coupai, je les liai
A mes amours je les fis envoyer.

A mes amours je les fis envoyer
Mais qui sera le messager ?

Mais qui sera le messager ?
L’alouette ou l’épervier ?

L’alouette est tête en l’air
Et l’épervier trop menteur.

Et l’épervier trop menteur
Moi-même j’irai.

Sources

  • Castérets Jean-Jacques, La polyphonie dans les Pyrénées gasconnes, Paris, L’Harmattan, 2013;