Les contes en Béarn

Domaine du merveilleux, on croise dans le conte animaux doués de paroles, créatures imaginaires et humains aventureux. Essentiellement oral, le conte est généralement assez court. Son contenu dépend de la région où il a été créé mais de nombreux codes se retrouvent dans tous les contes. Comme la lutte du bien contre le mal, une princesse à sauver, un pacte avec le diable ou le symbolisme du chiffre 3. Les contes béarnais n’échappent pas à la règle. On retrouve par exemple la règle de trois dans le conte des « Trois fils jumeaux du pêcheur de saumon », dont l’histoire se déroule à Oloron.

Un pêcheur capture le roi des saumons pour le banquet prévu en l’honneur de la visite du roi. Le poisson le convainc de le relâcher contre dix poissons tout aussi savoureux. En échange, le pêcheur aura des triplés l’année prochaine, sa jument et sa chienne également. Donc, trois de chaque ! Quand l’aîné part à l’aventure, ses frères suivront, réalisant chacun les mêmes épreuves, prononçant les mêmes paroles. Un événement se produit trois fois. Le chiffre 3 a une symbolique très forte : il représente la trinité, religieuse ou autre : passé, présent, futur ; naissance, vie, mort ; corps, esprit, âme ; homme, femme, enfant ; le Père, le Fils et le Saint-Esprit.

Le Béarn conserve les codes du contes mais adapte les thématiques à sa culture et à son environnement. La nature bien sûr, avec la montagne (les Pyrénées), les gaves, les orages, l’air frais et pur du Béarn. La gastronomie avec le jambon et la pelère, le fromage et la célèbre garbure. Les personnages sont typiques : pêcheurs, meuniers, fermiers et surtout bergers, pour le peuple. Concernant la haute noblesse, on a affaire aux rois et aux princesses, mais pas n’importe quel roi ! Chez nous, il n’y en a qu’un et se nomme Henri IV. De nombreux contes et légendes à son sujet hantent les foyers béarnais, ceux de la poule au pot, ceux de sa naissance ou celui de son grand-père d’adoption venant lui rendre visite au Louvre.

Le conte est le lieu de l’invraisemblable que l’on accepte. Qu’un fils de paysan tue une sorcière, qu’un renard parle ou que le diable prenne forme humaine, rien ne choque. Une chose est sûre, il y a toujours une morale à la fin. L’union (ou la solidarité) fait la force, on ne s’enrichit qu’à force de peine et de travail, choisir la facilité (autrement dit le mal et le diable) ne mène qu’au malheur, tout comme faire confiance aux femmes. Les contes béarnais sont-ils machistes ? Ils véhiculent une image négative de la femme qui y est soit sorcière soit porteuse de malheur, sauf s’il s’agit d’une princesse. Voici par exemple un extrait du conte intitulé « Pourquoi les femmes n’ont pas de barbe au menton » qui se finit ainsi :

« Pauvres hommes ! Ne renoncez jamais à porter la culotte. Les femmes sont habiles pour vous sortir les vers du nez et vous enjôler. Il faut souvent leur montrer les dents et, malgré la force que Dieu vous a donnée, vous ne vaudriez pas plus qu’elles si votre langue déversait un secret comme le claquet du moulin déverse le grain.  »

Ou encore un extrait du conte « Les trois vœux du berger », dans lequel on retrouve par ailleurs le chiffre 3 :

« Votre lot sur terre, femmes, doit être la bonté, l’amour et la charité. Ne l’oubliez jamais, si dévotes que vous soyez, parce qu’au lieu de bonheur, vous sèmeriez autour de vous malheur sur malheur. »

De fait il convient de les replacer à l’époque où il furent conçus, comme reflets des mentalités anciennes. N’oublions pas qu’il ne faut pas prendre ces histoires au pied de la lettre !

Le conte se raconte lors de veillées en famille ou entre voisins ou amis. De nos jours, il est essentiellement destiné aux enfants, alors que nombre de contes sont plutôt violents et révèlent les conditions de vie difficiles des Béarnais, paysans et bergers. En Béarn, les contes sont quasi indissociables des Pyrénées, on y parle de la dureté de la vie et des peurs ancestrales, des superstitions ou des bêtes sauvages. Le loup, l’ours ou le renard sont omniprésents comme prédateurs du bétail. Dans les contes, souvent doués de paroles, ils sont désacralisés, tournés en ridicule ou identifiés aux hommes (comme le conte de Jean de l’Ours). Quand ils sont malins, c’est pour dénoncer la cupidité des hommes. Car le conte, c’est aussi l’histoire de l’essence de l’homme et de sa lutte contre lui-même.

Sources

  • Lalanne Jean-Victor, Contes populaires du Béarn, (édition bilingue gascon-français), Cressé, Éditions des régionalismes, 2012.
  • Bordes François, Sorciers et sorcières, procès de sorcellerie en Gascogne et Pays Basque, Toulouse, Éditions Privat, 1999.
  • Latrille Sylvie et Moni Laurent, Piquirinéu, Contes du Béarn et du Comminges, Gensac, Éditions S’éditions, 2005.